Nouvelles inattendues

Le mot de Pascale Paulat et Christophe Postic, programmateurs

En 2020, la programmation « Route du doc » avait pour destination l’Autriche, avant que tous les déplacements ne soient suspendus. Nous irons cet automne, nous l’espérons, rencontrer notre collègue et futur interlocuteur pour cette programmation à deux regards, pour qu’une voix s’incarne enfin et que le travail en commun puisse commencer. Impossible d’imaginer mener entièrement virtuellement ce travail, tant il repose sur la collaboration et sur la rencontre avec non seulement un coprogrammateur, mais également avec les films et leurs auteurs. Cette période d’incertitudes nous a amenés à prendre des nouvelles de proches collaboratrices, et la perspective d’une programmation en ligne nous a conduits à la repenser autrement. Nous avons ainsi sollicité Cláudia Mesquita et Kumjana Novakova, engagées sur les précédentes « Route du doc » Brésil et Yougoslavie : « Vous connaissez Lussas et son festival, vous y êtes venues et avez accompagné des films, vous connaissez l’importance de la rencontre autour des films que nous essayons de privilégier. Dans cette situation si particulière, cette impossibilité de pleinement se retrouver, en pensant à Lussas et à ce que vous y avez vécu, en imaginant une modeste projection de par le nombre de spectateurs, mais une projection réelle, quel film souhaiteriez-vous partager avec nous ? » Elles nous ont répondu immédiatement et nous ont proposé les nouveaux films de cinéastes que nous avions déjà présentés. Nous les avons regardés, en avons parlé comme nous le faisons habituellement, et nous vous proposons dans cette programmation « Nouvelles inattendues » Où est Edson ? de Dácia Ibiapina et Oroslan de Matjaž Ivanišin (présentés ci-après), aux côtés de deux films qui se sont imposés pour nous : les derniers films de Susana de Sousa Dias et Digna Sinke, cinéastes programmées également lors de précédentes « Route du doc » Portugal et Pays-Bas.

Susana de Sousa Dias explore au Brésil, dans Fordlandia Malaise, la mémoire d’un territoire colonisé puis abandonné, mais toujours peuplé. Les récits du présent, par les yeux des enfants ou ceux de l’oppression et de la révolte flottent sur la ville comme des surimpressions, telle une mémoire suspendue au-dessus d’une terre arrachée. Attachement à la terre ici et attachement aux objets là-bas. Autre exploration plus intime de l’incarnation d’une mémoire, Digna Sinke avec Keeping & Saving – or How to Live observe nos rapports aux objets et aux collections, entre obsessions et mémoire, une manière de suspendre le temps pour conjurer la mort. Pas moins peut-être que pour pointer une tendance à la dématérialisation, portée par une numérisation croissante et une pulsion d’accumulation, qui nous éloigne sans doute de notre relation tactile au monde.
Quatre films aux approches formelles très différentes, choisis également parce qu’ils résonnent tout autrement aujourd’hui.

Pascale Paulat, Christophe Postic