Entre passation et passage à l’acte

Le mot de Chantal Steinberg, Directrice de l’école documentaire de Lussas

Cette année l’école documentaire fête ses 20 ans. A l’opposé de toute commémoration nous chercherons, un an durant à recueillir les indices d’un présent sans cesse renouvelé. À interroger, à travers un site, une publication, des projections, une rencontre/séminaire, ce qui, depuis une génération maintenant, demeure ici vivant c’est-à-dire d’abord, heureusement vulnérable.

Cette programmation ouvre le bal avec 4 films de fin d’études de la 20e promotion, celui de Margot Dupuis (2015), et son film d’après qui poursuit la traque d’une expérience physique du bonheur, ici et maintenant, initiée à Lussas

Les films fabriqués ici ne se ressemblent pas. C’est peut être ce qui les unit.
Mais ils portent en eux la trace de ce qui les a rendus possibles. L’intensité des jours, le compagnonnage, le collectif, les tourments, la présence des bêtes et de la nuit.

Moins une école donc qu’un laboratoire, un chantier, un espace de travail, comme au théâtre. Huit mois durant sur un territoire d’abord étranger puis moins, une communauté imprévisible se constitue à partir d’un désir premier, parfois à peine ébauché : faire des films… Trouver pour chacun, dans ce geste, sa liberté, sa place, son courage. Ce désir est sans cesse accompagné, soutenu, interrogé, bousculé par des « passeurs » qui eux aussi ailleurs, font des films, toujours pour une inimaginable première fois.

Moins une école qu’un lieu en commun, où les incertitudes, les doutes et les joies, se croisent, s’échangent mais aussi s’exposent « au risque d’être ridicules (coté intervenants et coté étudiants), risque noble, non exempt de tension. »

De la passation au passage à l’acte cela vaut pour toute expérience où la transmission est d’abord expérimentation, se fait comme ici au corps à corps, jour après jour, dans un risque partagé, aveugle, parfois.

Cette nécessité de l’expérience, de la parole qui l’accompagne, des relations, des tensions, des troubles (le corps à corps, donc) font qu’à Lussas la remise en question des outils pédagogiques est constante. S’il existe une charte pédagogique, sa philosophie se nourrit et se métamorphose subtilement au gré des rencontres et des gestes. C’est une charte tâtonnante au sens où elle a constamment besoin du tête-à-tête, du contact, d’une inscription dans le présent, dans la réflexion. Ça se fait souvent autour d’un repas, d’un banquet… Et ce n’est pas anodin.  (Claudio Pazienza)

Jusqu’au film que l’on finit seul toujours. Film de l’essai, de l’incertitude, film en quête. Mais film osé. D’année en année on demeure stupéfait, de découvrir combien chacun d’entre eux, ressemble étrangement toujours à la part secrète, têtue de leurs auteurs.

Le 21 août, lancement du site internet célébrant les 20 ans de l’école : www.lecoledocumentairea20ans-lussas.fr

Chantal Steinberg